POV William
« Terminus Durham. Terminus Durham.
– Grand frère, le train est là, dit docilement Louis en ouvrant la porte de la calèche. »
Les yeux de William, jusque-là clos, s’ouvrirent pour venir se poser sur lui.
Passant une main dans sa chevelure blonde afin de la discipliner un peu, il saisit son chapeau avant de sortir de la calèche en adressant un sourire doux à son frère en guise de remerciement et se tenir face à la gare.
Il ne faisait plus vraiment jour à cette heure de la journée.
Le ciel arborait une robe orangée avec à quelques endroits des teintes rosées presque mauves, c’était là la preuve visuelle des « au revoir » habituels de la nuit mourante au jour naissant. Bientôt, la lune ferait son entrée, plus sublime que jamais, et les séparera jusqu’à l’aurore.
La ville de Durham se voulait quant à elle toujours bien éveillée.
Le boulanger ouvrait grand ses fenêtres afin de laisser s’échapper les effluves de pain chaud et titiller l’odorat des derniers petits gourmands.
Les échoppes, toujours ouvertes, continuaient d’appâter les potentiels clients qui seraient friands d’une des dernières dentelles à la mode ou pourquoi pas d’une friandise.
La marchande de fruits et légumes arrangeait lentement sa récolte en faisant bien attention à ce que les plus beaux fruits soient tout devant, prêts à attirer le regard des passants qui seraient ainsi prêts à lui acheter une pomme ou pourquoi pas même un cageot.
La clientèle descendait petit à petit du train en provenance de Londres et s’engouffrait dans la ville comme un troupeau de moutons indisciplinés.
William restait adossé à la calèche, les bras croisés en fixant un point au loin avant de lever les yeux au ciel vers l’objet de sa présence ici et affichant un sourire amusé.
Vêtu d’un long manteau noir, il avançait à travers la foule avec un bagage assez imposant, attirant le regard de plus d’un passant. Parfois il s’arrêtait pour aider une jeune fille qui faisait mine d’avoir du mal avec son bagage pour attirer son attention et s’incliner pour baiser sa douce main, manquant de les faire défaillir, avant de repartir vers nos deux frères.
Sébastian sourit en passant une main dans ses cheveux désordonnés avant de déclarer :
« C’est gentil de venir m’accueillir ! »
William se redressa avant de sourire, venant serrer amicalement la main gantée de l’arrivant :
« Ça fait un bail, colonel Moran !
– On va enfin pouvoir commencer ? Dis – moi que tu m’as appelé pour ça, hein ? »
Sébastian ressemblait à un enfant qui, impatient, attendait l’arrivée du Père Noël devant la cheminée. William l’observait silencieusement en affichant un sourire amusé avant de dire d’un ton jovial :
« Allons du calme, chaque chose en son temps. Nous aurons tout le temps pour cela, d’ailleurs j’espère que tu n’as pas perdu la main.
– Question stupide, j’en serais presque vexé, répondit Sébastian en affichant à son tour un sourire sarcastique tout en rapprochant légèrement son visage de celui de William.
– Parfait, dit simplement le jeune homme. »
Les deux jeunes hommes se fixèrent sans dire un mot de plus. Ils semblaient s’adonner à un duel de sourd dont aucun ne souhaitait abdiquer ; cependant un bruit provenant sur leur droite les fonça à lâcher prise et poser en synchronie leur yeux sur le nouvel arrivant.
C’était un jeune homme d’à peine 1 mètre 50 avec un visage aussi beau qu’inexpressif.
Ses cheveux d’un noir corbeau partait dans tous les sens mais le rendait étrangement innocent, il portait des vêtements simples et propres ainsi qu’une longue échappe bleutée autour du cou qui lui arrivait à la taille.
Ce qui pouvait réellement frapper c’étaient probablement ses yeux gris partant vers le noir qui se voulaient indescriptible et pourtant qui semblaient vous décortiquer tel le scalpel d’un chirurgien en action, décelant le moindre de vos pêchés.
Il s’arrêta à quelques centimètres de nos trois jeunes hommes sans dire un mot, devancer par Sébastian qui vint presque lui sauter au cou, tapotant son épaule amicalement :
« Salut Fred, alors tu es là aussi !? Décidément tu pourrais te montrer un petit peu plus avenant !
– J’ai demandé à Fred de venir ici en premier, déclara William en direction de Sébastian avant de se tourner vers Fred, as – tu pu trouver ce que je t’ai demandé de chercher ? »
Se libérant de l’étreinte de Sébastian, Fred arrangea son écharpe avant de passer une main dans ses cheveux pour leur rendre leur aspect désordonné tout en disant :
« Oui, pas à la clinique mais dans un clandé non loin. Ce ne fut pas très complexe. Cependant, je crois qu’à cause de l’opium, il n’a pas tous ses esprits. »
Le jeune homme se tourna vers la calèche qu’il venait de ramener, non loin de celle des Moriarty.
Une ombre y était visible mais peu reconnaissable pour ceux qui ne le connaissait pas. Ce n’était pas plus mal, cela éviterait que l’on pose des questions.
William acquiesça avant de déclarer :
« Bien, il semble que tout soit prêt. Nous n’avons pas de clients à proprement parler pour ce travail cependant… »
Il marqua une pause.
Fermant les yeux, il repensa à la jeune danseuse qui, bercée d’illusions, finit dans la Tamise sans aucune chance de rédemption. Il pensa également à Shae qui, bien malgré elle, se retrouvait inconscient dans son lit sans qu’il ne sache quand les effets de l’opium de cette pourriture se dissiperont. Ces deux pensées firent monter son envie de sang, sa soif de vengeance pour ces deux êtres innocents souillés par la perfidie d’un homme avare.
William ouvrit les yeux et déclara :
« Nous avons un châtiment à infliger, allons – y. »
Les quatre hommes se dirigèrent vers les calèches avant de prendre la direction de la ville.
Quand la nuit arriva enfin, prenant la place du jour, elle semblait encline à aider les hommes à assouvir leurs vices. Aussi enfila – t – elle une tenue des plus épaisse, les nuages couvraient le ciel étoilé et les rues semblaient envahie par la brume si bien que l’on ne pouvait que difficilement voir à plus de quelques mètres devant soi.
C’est dans ce décor incertain que l’on vint sonner à la demeure de sire Dudley, qui, se prélassant dans son salon, n’essaye même pas de cacher son agacement quand son serviteur vint à lui.
« Quoi, encore ?
– Un facteur vient d’apporter un télégramme extrêmement urgent, que Monsieur me pardonne.
– Qu’est – ce que c’est encore ? »
L’homme dut lire deux à trois fois avant d’écarquiller les yeux et hurler :
« Je dois sortir, veuillez préparer mon cheval.
– Tout va bien Monsieur ? »
Dudley semblait avoir vu un fantôme tant il avait blêmi cependant il beugla en direction de son serviteur avant de monter à toute vitesse pour se changer :
« Oui, fais ce que je t’ai demandé ! »
Pendant tout le temps où le comptable se changeait ainsi que sur le chemin qui l’amenait au port de Durham, il essayait de comprendre comment cet avorton avait pu mettre la main sur ces informations et surtout comment allait – il réussir à le faire renoncer à sa soif de vengeance.
Après tout, il avait tout cela dans l’unique but de le protéger de lui-même. Quel ingrat !
Dudley fit s’arrêter la voiture à quelques rues, il était hors de question que les gens soient au courant de ce qu’il s’apprêtait probablement à faire.
Aussi dit-il à son serviteur qu’il rentrerait par ses propres moyens avant de marcher d’un pas vif proche de la course pour atteindre un jeune homme assis sur un banc.
Il prit de l’élan avant de courir vers lui, hurlant :
« Lucien ! »
Le jeune homme se tourna lentement vers le comptable, frottant ses yeux comme pour se débarrasser de sa somnolence avant de se lever du banc afin de lui faire face :
« – Monsieur Dudley ? »
Dudley s’arrêta, essoufflé, s’abaissant pour reprendre son souffle avant de presque hurler :
« C’est toi ? C’est toi qui as fait ça ? Et puis, comment es-tu sorti de là-bas ?
– Quoi ? De quoi vous parlez ? déclara naïvement le jeune homme
– C’est quoi ce télégramme et cette lettre ? demanda Dudley en secouant le papier dans le vide. Dénoncer mes crimes, tu dis ? Alors que j’ai tout fait pour réparer tes erreurs !
– Mes … erreurs ? »
Les effets de l’opium encore actifs, Lucien dût porter une main à sa tête pour réussir à comprendre ce qui se disait, essayant de canaliser la confusion qui était la sienne :
« – Bien sûr ! Comment as – tu pu mettre une fille enceinte sachant ton rang ?! J’ai dû tout régler moi – même
– Frida ? demanda Lucian en ouvrant les yeux. Où est Frida ?
– Tu es un noble ! rétorqua Dudley. Tu ne peux pas laisser une gueuse te faire obstacle ! Tu jettes bien les feuilles que tu ratures, il faut faire la même chose avec les gens, ainsi va le monde dans lequel tu évolues ! Voici le monde auquel tu appartiens !
– Mais, essaya de dire Lucien avec son peu de lucidité, je comptais épouser Frida, ainsi elle aurait été …
– Arrêtes, ça suffit ! Fais ce que je te dis ! »
Un chant mélodieux se fit entendre de derrière eux, les forçant à faire face à une jeune fille menue et d’une chevelure blonde virevoltant au vent. Elle esquissa un doux sourire avant de tendre la main vers Lucien et dire d’une voix douce :
« Lucien… »
A sa vue, Dudley écarquilla davantage les yeux avant de tomber au sol, hurlant d’effroi :
« C’est impossible ! Je t’ai tellement imbibée d’opium que tu t’es jetée du pont !
– Que dites – vous ? déclara Lucien, choqué par ses propos
– Nous entendons enfin de votre bouche, dit une voix dans la brume, l’aveu de ce crime absolument impardonnable. »
Lucien et Dudley se tournèrent tous les deux vers l’ombre qui avançaient vers eux, découvrant petit à petit le visage de William, encapuchonné.
Dudley, surpris, s’exclama :
« Professeur Moriarty ?
– Fred, déclara William en se tournant vers celle que les deux hommes prenaient encore pour Frida, tu peux arrêter de jouer la comédie, merci. »
Sans un mot, la jeune fille porta une main à ses cheveux pour les tirer et dévoiler sa tignasse décoiffée. Fred y passa une main pour les arranger tandis que Dudley, étonné, déclara :
« Quoi, un homme ?!
– Par chance, dit William, il y avait du brouillard ce soir. Même s’il n’est pas très grand, en y regardant de plus près…
– Je vois, finit par déclarer Dudley en passant une main sur son visage tout en retenant un rire, donc c’est vous qui m’avez fait venir ici ?!
– Exact, répondit William. C’est moi qui ai tout manigancé mais laissez – moi me présenter en bonnes et dues formes : je suis le consultant du crime, William James Moriarty.
– Un consultant ? À quoi cela rime ? Demanda le comptable en s’approchant de notre ami encapuchonné. »
William resta quelques instants silencieux avant de l’analyser.
Son trop – plein d’assurance l’agaçait au plus haut point, il semblait avoir tout gagné alors qu’il ne savait pas encore dans quoi il venait de se lancer. Le jeune noble finit par s’adosser à un mur tout en allumant une cigarette et dire d’une voix dès plus calme :
« – Dudley, d’après mes recherches, en plus de votre métier, vous possédez plusieurs cliniques. Ou plutôt dirais-je maisons closes
– Et alors, demanda l’homme en haussant les épaules, en quoi est – ce un crime ?
– Grâce à ces fameuses cliniques, poursuivit William faisant fi des commentaires de l’homme face à lui, vous avez pu acquérir beaucoup d’opiacés sans éveiller les soupçons. Vous vous en êtes servis afin de créer des fumeries d’opium dans la cave de vos clandés. Vous poussez les fils de noble à la débauche puis faites chanter leurs parents pour acheter votre silence. En somme, vous jouez les pompiers pyromanes. Vous êtes une sacrée crapule.
– Vous comptez me livrer à la police peut – être ? Demanda ironiquement Dudley en croisant les bras, je peux vous dire que si je tombe, vous tomberez avec moi après tout votre chère sœur y a également touché à ces fameux opiacés qui semblent tant vous poser un problème. »
Ainsi il savait.
Une part de William ne semblait même pas étonnée par cette révélation mais une autre bouillonnait et aurait souhaité lui sauter directement à la gorge pour la lui trancher avant de le regarder se vider de son sang comme le porc qu’il était.
Mais il se contint, il n’était pas de ceux qui se laissaient aller aux accès de colère ; et puis la suite sera plus jouissive sans qu’il ait à se salir les mains.
« – Non, je ne le ferais pas. Je pense que vous exercez une certaine influence sur la police et puis, en toute honnêteté, je n’en tirerais aucune satisfaction après tout… Comme vous le dites, votre affaire a eu un impact sur un des membres de ma famille, c’est quelque chose que je ne peux laissez passer.
– Ahah et qu’est – ce que vous allez faire, hein ? Je vous tiens dans le creux de ma main ! »
Les yeux de William se fermaient lentement tandis qu’il déclara :
« – Pris de remords d’avoir causé la mort de Frida, vous allez danser comme un fou avant de vous suicider.
– Moi, me suicider ? Vous avez perdu l’esprit, Moria… »
Quelque chose de frais passe non loin de la joue de Dudley, le forçant à prendre du recul. Avant qu’il n’ait eu le temps de comprendre, le comptable faisait un pas puis l’autre afin d’éviter les projectiles qui lui étaient clairement destinés. Pendant qu’il virevoltait dans l’air, il beugla :
« – Qu’est – ce qui se passe ?!
– Quel beau jeu de jambes, se moqua William en ne le quittant pas des yeux, je suis certain que votre partenaire serait ravie. Regardez, la Mort danse avec vous avec tant de volupté.
– Pitié arrêtez ! Aidez – moi ! »
Dudley semblait voir derrière lui une ombre venir se coller à lui, l’enlaçant avec tendresse tandis qu’il continuait à se déhancher de gauche à droite, suppliant pour sa vie. Mais personne ne semblait enclin à l’écouter ou même à le prendre en pitié.
Soudain les projectiles s’arrêtèrent et Dudley poussa un soupir de soulagement en voyant le peu de distance qu’il restait entre lui et la rambarde du pont. Il tourna le regard vers William qui avait la main en l’air comme pour donner signe de stopper tandis que les yeux pourpres du jeune homme n’étaient clairement plus fixés sur lui.
Le comptable chercha l’objet de sa distraction et ouvrit de grands yeux d’espoir en la voyant.
Vêtue d’une simple chemise de nuit, les pieds nus, elle avançait vers lui tandis que la pluie naissante venait la mouiller lentement.
« Qui est -ce ? Demanda Lucien à l’attention de William. »
Le consultant ne répondit pas, son regard figé sur la jeune fille qui s’arrêta à quelques centimètres de Dudley qui laissait naître sur son visage un sourire d’espoir. L’opium faisait encore effet aussi serait – il aisé d’échanger sa vie contre celle de cette idiote à laquelle il semblait tant tenir.
Le comptable universitaire allait s’approcher d’elle pour venir la toucher mais les projectiles reprirent de plus belle, le poussant à les éviter de nouveau, sa danse macabre reprenant de plus belle tandis qu’elle le regardait avec un sourire dès plus innocent et qu’elle dit :
« – Dites à Frida à quel point je suis désolée de n’avoir pu la libérer de vous, voulez – vous ? »
Les yeux de Dudley s’écarquillèrent à ses mots tandis que Shae recula avant de le laisser tomber dans le vide, l’homme tendant la main vers Shae dans un élan de survie inutile avant de disparaître dans les eaux tumultueuses.
William finit par se tourner vers Lucien qui, l’esprit encore embué, ne garderait sans nul doute aucun souvenir de cette soirée. Il vint docilement poser la main sur son épaule avant de déclarer :
« Laissez mon ami vous raccompagner.
– D’accord, dit le jeune homme en regardant Fred encore vêtue d’une robe qui prenait déjà le chemin vers la calèche. »
Une fois les deux loin, William se tourna vers Shae qui s’écroulait à genoux sous le pont, haletante. Il avança vers elle d’un pas franc avant de s’accroupir à sa hauteur et dire :
« A quoi tu pensais ?
– Je…
– Tu aurais pu être blessée, n’as – tu pas une once de peur en toi ?
– Vous n’étiez pas là quand je me suis réveillée, hurla presque la jeune fille en plongeant ses yeux bleus remplis de peur dans ceux pourpres du jeune homme. »
Le jeune homme ne put contenir sa surprise à la voir aussi gênée et paniquée.
Était – ce les restes d’opium dans son organisme qui la rendait aussi franche ? Il ne saurait dire mais il était certain qu’elle n’était pas en mesure de mentir aussi poussa – t – il un soupir avant de déboutonner sa cape et la rabattre sur les frêles épaules de la jeune fille pour la protéger de la pluie.
Il la souleva ensuite de terre, ignorant les rougeurs naissantes sur ses joues, avant de poser son regard sur Louis et lui faire signe d’y aller. Shae vint serrer de ses doigts la chemise de William en silence, docile et se laissa emporter par Morphée, se sentant enfin en sécurité.
De nombreux témoins assistèrent à la mort de Dudley ce soir – là, pouvant attester ainsi aux forces de police que ce n’était là que le suicide d’une personne rongée par les remords des méfaits qu’il avait commis.
Cependant, jamais personne ne put retrouver son corps, semblant avoir été englouti par les limbes.
« Le gamin a érigé une belle pierre tombale, dit Sébastian en observant Lucien poser des fleurs sur une pierre tombale dès plus somptueuse »
William, Louis, Sébastian et Fred se tenait dans un coin du cimetière, observant discrètement Lucien en guise de respect pour cet amour perdu contre son gré. Les effets de l’opium ainsi que le choc de la mort de Frida ne lui avaient laissé aucun souvenir de la nuit de la mort de Dudley.
Louis, affichant un air triste finit par dire :
« – Un amour interdit par la société…
– Ouais, c’est une histoire bien tragique bien que commune dans ce monde qui est le nôtre, poursuivit Sébastian, les mains dans les poches. Dans un autre monde, ils auraient pu être heureux
– En effet, dit William en tournant le dos à la tombe, c’est pour cela que nous nous devons de changer ce monde – ci. »
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Coucou !
Désolée du retard de publication mais voici enfin le nouveau chapitre de TO BE MINE après des mois d’attente !
J’espère que ce chapitre vous plaira et que vous serez nombreuc à commenter, liker et revenir pour les aventures de shae et William
Love 💜
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