« Professeur… »
William regarda le jeune étudiant en biais d’une manière si glaciale que celui – ci ravala toutes les excuses qu’il avait pu formuler dans sa petite crinière blonde.
Il déglutit avant de s’enfoncer un peu plus dans le siège où William l’avait préalablement assis afin d’éviter de lui exploser le crâne contre le mur pour avoir osé poser la main sur la jeune fille qui ne sortait pas de son état de transe.
Le jeune homme finit par se tourner entièrement vers Tate, un regard froid et sans expression tandis qu’il déclarait, le plus calmement qu’il put :
« Tu vas m’expliquer ce qu’il s’est passé et pourquoi elle est dans cet état. Dans ton intérêt, je te conseille de n’omettre aucun détail.
– D’accord ! dit l’étudiant en se tortillant les doigts. Alors tout a commencé parce que j’ai passé les trois derniers jours à chercher Lucien, je désespérais de le retrouver… Et elle est apparu comme un ange tombé du ciel en disant en être l’amie alors je l’ai amené ici et elle a farfouillé partout … Ensuite, euh, elle a été au bureau et a trouvé un flacon mais il s’est explosé sur le sol et au même moment elle s’est écroulé. Je vous assure que je n’ai rien fait, Professeur, elle m’a dit qu’elle allait m’aider à trouver Lucien… Je m’inquiète pour elle ! »
William le fixait en chien de faïence avant de soupirer et détourner son regard de lui afin de le poser sur le bureau et analyser le meuble ainsi que le flacon explosé qui imbibait le sol.
S’approchant prudemment, il porta sa manche à sa bouche avant de prendre un morceau du flacon et l’approcher de son visage. L’odeur âcre embaumait la pièce sans pour autant les étourdir, surement car ils en étaient éloignés.
Le jeune homme le reposa délicatement avant de dire :
« Depuis quand Lucien sniffait il de l’opium ?
– Hein ? s’étonna l’étudiant. Mais non je ne l’ai jamais vu faire ça ! »
Le regard de William continua d’analyser les feuilles et autres documents sur le pupitre avant que ses doigts viennent caresser délicatement le journal et qu’il ne poursuive :
« Il écrivait régulièrement son journal et puis soudainement les écrits ont été plus aléatoires, plus espacés…
– Oui, dit Tate, la demoiselle m’a dit la même chose et je vous répète ce que je lui ai dit ! Je n’aurais jamais fait de mal à Lucien, il était mon ami ! Je ne lui aurais jamais fait de mal, je me fiche de ses titres ou qu’il me soit redevable… Je veux qu’il rentre sain et sauf. Lucien n’est pas un mauvais garçon. »
Le consultant esquissa un doux sourire avant de se tourner vers lui en tapotant son épaule pour dire :
« Je te crois, ton sentiment est précieux. Prends – en soin. Pour ce qui est de Lucien et de cette jeune fille…Je m’en occupe. Rends – moi un service, veux – tu ?
– Oui ?!
– Cours quérir mon frère Louis à ma demeure, tu as mon autorisation de quitter les lieux si on te le demande. »
Tate acquiesça avant d’enfiler un veston et courir vers la sortie, claquant la porte derrière lui, laissant William et Shae, seuls.
William profita de la transe de la jeune fille pour faire un brin de rangement dans la chambre des jeunes hommes et nettoyer le moindre élément pouvant la relier à ce lieu. Il finit ensuite par s’asseoir près d’elle, silencieux.
L’opium était connu pour ne pas avoir le même effet sur chaque individu et être assez imprévisible comme drogue, ce qui en faisait une drogue dès plus dangereuse. Il n’était pas rassuré de la voir dans cet état et en même temps, elle était si sage qu’une part de lui souhaitait en profiter pour l’admirer dans toute sa splendeur.
Tate l’avait posé assise sur son lit, dos au mur, ce qui lui donnait un faux air de poupée de porcelaine. Elle fixait droit devant elle, le regard vitreux mais toujours si bleu, et semblait vivre une aventure intérieure dès plus captivante pour ne pas avoir encore émergée.
William n’ayant pas apprécié la voir trempée avait profité de la peur du jeune homme pour lui mettre un uniforme de l’université, malheureusement bien trop grand, mais cela accentuait sa candeur.
Ses cheveux, qu’il avait pris soin d’attacher, tombait sur son épaule droite en une belle queue de cheval.
Le jeune homme vint se saisir de sa main et la porter à ses lèvres, y posant un doux baiser avant de la lever jusqu’à son front et soupirer.
La voix de Shae finit par résonner dans le silence dans un bredouillement :
« Lo…uis… ? »
William ne montra pas sa surprise de la voir prononcer le nom de son frère en premier lieu.
Était – ce un soupçon de jalousie qui naquit en lui quand ses dents vinrent se planter dans sa lèvre inférieure pour ne pas exploser et lui demander des comptes mais en la regardant de plus près, il vit que ses yeux étaient encore dilatés et cela ne pouvait signifier qu’une chose : elle délirait et venait de passer un nouveau stade de sa transe.
Une part de lui aurait souhaité la canaliser pour la ramener mais l’autre, bien plus vicieuse, voulait en savoir plus quant à ce qu’elle avait à dire à son frère, aussi resta – t – il silencieux.
Shae le regardait mais sans le voir, ses doigts vinrent caresser sa joue délicatement avant qu’elle ne vienne poser sa tête sur son épaule et dire avec un brin de tristesse :
« Louis, s’il te plait, tais – toi et écoutes moi… »
William acquiesça simplement et la jeune fille ferma les yeux en venant poser sa main sur la sienne :
« Je sais que tu es réticent, que tu penses que j’ai tord mais si tu aimes ton frère autant qu’il me fait brûler de l’intérieur … Tu le supplieras de me rendre ma liberté. »
Le jeune homme ouvrit les yeux de stupeur sous cette requête, elle semblait si triste et si désespérée. Sa main serrait celle du jeune homme avec le peu de force qu’elle avait puis se desserra pour tomber inerte sur le lit tandis que la jeune fille émit un sifflement qui prévint notre consultant qu’elle était désormais au pays des songes.
Il passa une main dans ses cheveux tout en la regardant et chuchota :
« Que sait Louis que je ne sais pas. Comment peux – tu oser me demander de te rendre ta liberté… Quelle égoïste, tu fais. »
Il resta ainsi plusieurs minutes à l’admirer, endormie. Il aurait aimé que le temps s’arrête à cet instant précis pour le passer éternellement avec elle mais la réalité fut toute autre.
La porte d’entrée de la chambre s’ouvrit sur un Tate essoufflé et un Louis inquiet. Les deux hommes entrèrent avant de fermer derrière eux, leurs yeux se posant sur William et Shae, légèrement interrogatifs. William posa son regard sur son frère, ignorant royalement Tate, il aurait aimé lui poser des tonnes de questions mais l’heure n’était pas à la curiosité mais au châtiment, aussi dit – il :
« Peux – tu envoyer deux télégrammes et un troisième qui devra arriver à la même heure qu’une lettre ? Contacte ensuite l’université afin de les informer que mon cours ne sera pas assuré demain.
– Et pour elle ?
– Tu es venu en calèche, je suppose ? Je la ramène à la maison.
– A la maison ? demanda Tate, soudainement. »
Les deux frères Moriarty le regardèrent ensemble avant que William ne se lève, prenant Shae entre ses bras avant de partir vers la sortie sans répondre.
L’atmosphère était palpable, il n’était clairement pas d’humeur à jouer l’homme modèle et tolérant, la situation n’était déjà pas très agréable entre le suicide de cette femme et la disparition d’un de ses élèves mais on avait osé toucher à celle qu’il considérait désormais comme sa « pupille ».
Volontaire ou non, elle s’était retrouvée mêlée à cela, et cela lui était intolérable.
Louis, prit légèrement de pitié, finit par dire à l’attention de Tate en sortant à son tour pour exécuter les demandes de son frère aîné :
« Il s’agit de notre sœur. »
Il partit sur ses mots, fermant la porte sur un Tate totalement médusé.
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Et voici le nouveau chapitre de To be Mine
Légèrement plus court que les anciens mais c’est pour mieux plonger je suppose, comme un bon roler coaster !
Alors que pensez – vous de ce chapitre? Cette scène entre William & Shae ?
Les prochains chapitres seront assez explosifs et on reprend un rythme normal
à jeudi pour les nouvelles aventures de Shae et les frères Moriarty !
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