« – Je me demande si nous avons finalement eu raison de lui raconter toute notre histoire ?»
Encore vêtu de son peignoir de velours vert, ses cheveux légèrement ébouriffés, Albert posa sa tasse de thé noir sur la table avant de saisir un scone dans lequel il vint mordre tout en fixant par la fenêtre le soleil qui continuait son ascension. Il n’était pas difficile de voir que notre cher comte était fort grincheux, probablement que la nuit n’avait pas été tendre avec lui.
Son frère le connaissait assez pour savoir que, dans cet état, mieux valait – il attendre qu’il ait fait un brin de toilette afin d’en tirer quelque chose de rationnel ou de positif.
William, tout en tournant les pages de la gazette du jour, sourit docilement avant de dire :
« – Peut – être devrions nous patienter, j’ai la sensation que sa réaction pourrait nous surprendre.
– Sa curiosité lui faisait simplement défaut William, cela ne signifie en rien qu’elle se ralliera à notre cause, répondit Albert en posant son regard sur son frère comme s’il l’interrogeait sur sa crédulité.
– Laissons – lui le bénéfice du doute, dit simplement le cadet en restant d’une neutralité déconcertante.
– De qui parlez – vous ? »
Albert et William portèrent en synchronie leur attention sur l’entrée de la pièce, regardant Sébastian Moran.
Au vu de ses vêtements mal boutonnés, ses cheveux en bataille et son sourire serein, il sortait d’une nuit de folie dans les bordels de la ville.
Albert leva les yeux au ciel ; pendant que certains se prenaient la tête afin qu’une petite cruche ne vienne pas détruire tout ce qu’ils avaient eu tant de mal à construire, un autre semblait prendre du bon temps. Il se demandait s’il lui arrivait d’avoir le sens des priorités tandis qu’il s’enfonçait un peu plus dans son fauteuil. Il n’allait pas faire d’esclandre après tout Sébastian, ancien militaire et tireur d’élite, était un de leur amis les plus proches et à ce juste titre un de leur plus loyal complice.
Il avança jusqu’à eux, se laissant tomber comme un sac sur le fauteuil en face de William avant de se servir une tasse de Ealing Grey tout en les regardant, attendant une réponse à sa question.
Ce fut d’ailleurs ce dernier qui prit la parole :
« – Nous avons une « invitée ».
– Une dame au sein du manoir Moriarty ? Va – t – il pleuvoir ? Et qui est le fou qui a amené cette demoiselle en ces terres sauvages ? déclara en riant Sébastian.
– C’est moi, répondit le jeune homme gardant un air neutre. »
Leur ami qui allait porter un des petits gâteaux à ses lèvres, le laissa tomber au sol de surprise pendant que ses yeux se braquèrent sur William qui leva les siens au plafond pour montrer son exaspération. Décidément il pourrait se montrer moins expressif, cela serait presque vexant.
« – Toi ?! Mais… »
William finit par laisser échapper un soupir avant de lui conter les différentes péripéties des deux dernières semaines, essayant de faire abstraction des différentes interactions du jeune homme qui ne parvenait pas à cacher son étonnement.
Une fois qu’il eut fini, il saisit son thé et le but d’une traite, ignorant la chaleur qui brûlait sa gorge et écouta Sébastian lui dire :
« – Et donc, elle est ici ? Cela doit être déroutant pour vous, non ? Enfin, je dis ça mais je suis d’accord avec Louis, c’est assez dangereux de l’avoir ici…
– Vous parlez de moi ? »
Sébastian se figea net, son regard passant d’un frère à l’autre avant de se tourner très lentement vers une Shae qui, debout derrière lui et encore vêtue de sa chemise de nuit, le fixait en passant une main dans sa chevelure indomptée.
Il ouvrit la bouche pour la fermer aussitôt, bien trop choqué par la beauté de la jeune fille qui se tenait face à lui. Ils auraient au moins pu le prévenir qu’il s’agissait d’une telle créature de luxure !
Le peignoir sur ses épaules ne lui servait strictement à rien, laissant au militaire une vue parfaite sur sa poitrine dans sa robe de nuit qui allait jusqu’à ses chevilles, le tissu épousant parfaitement ses formes et se voulant, avec les rayons du soleil, légèrement transparent sans être pour autant vulgaire.
« – Vous le déstabilisez, ma Lady, finit par dire William en posant sa tasse vide.
– Je souhaiterai vous parler et je ne voulais pas attendre que midi sonne pour cela. De surcroit, je meurs de faim, dit – elle en avançant vers la table, se penchant près de Sébastian afin de saisir un gâteau sec qu’elle porta à ses lèvres rosées.
– Pourriez -vous au moins fermer votre peignoir, qu’il ne s’étouffe pas avec une des nombreuses mouches qu’il semble gober en vous regardant. »
Elle baissa légèrement les yeux en se regardant puis ferma d’un geste rapide son peignoir avant de venir s’asseoir près de Sébastian tout en continuant de déguster sa pâtisserie.
William fit glisser une tasse sur la table à son attention tout en la regardant incliner la tête en guise de remerciement.
Sébastian, sortant lentement de sa torpeur, finit par dire en venant saisir la main libre de la jeune fille pour y déposer un baiser :
« – Sébastian Moran, votre fidèle serviteur.
– … Shaelynn mais appelez-moi Shae, dit-elle en récupérant sa main et en se reculant légèrement dans le fauteuil pour mieux savourer son petit – déjeuner. »
Les deux frères observaient chacun de ses mouvements sans prononcer un mot, attendant qu’elle crache ce qu’elle avait à dire, cependant, mais la jeune fille semblait aimer faire durer le suspense car ce n’est que lorsqu’elle avala sa dernière bouchée que sa voix résonna dans le silence :
« – Je suis consciente qu’il vous fut difficile de me confier pareil secret et ne serait pas étonnée que vous souhaitiez me tuer immédiatement. Je ne vous blâmerais pas, après tout un secret est bien mieux gardé si la personne à qui on se confie est morte. »
La jeune fille émit un léger rire avant de passer la main dans ses cheveux et poser sur les deux frères un regard sérieux :
« – Je souhaite que vous m’ameniez quelque part. Ceci n’est pas une négociation, et non, vous n’allez pas refuser ma requête.
– Je vous trouve bien sûr de vous, dit Albert tout en se redressant sur son siège, un sourire amusé accroché au visage.
– Qu’avez – vous à perdre ?
– Et où souhaitez – vous aller, ma Lady, dit calmement William en se levant de son fauteuil afin de se servir encore du thé.
– A East End, dit franchement Shae. »
La main du jeune homme resta figée dans le vide avec la théière quelques instants avant qu’il ne la repose et se tourne vers elle.
De tout Londres, East End était sans nul doute le quartier le plus pauvre et le plus malfamé. En même temps comment en vouloir à la population ? Ils n’avaient décemment pas les moyens de s’offrir chaque nuit un repas, des vêtements corrects ou tout simplement un toit au – dessus de leur petite tête.
Les femmes dont le corps n’étaient pas trop amochés s’adonnait à la prostitution, les hommes au vol à la sauvette et, si leur victime se montrait réfractaire, au meurtre.
Toute fille de bonne famille n’aurait pas l’idée de mettre un orteil dans ces quartiers, à moins de souhaiter commanditer un crime.
William posa son regard sur Shae.
« – Et qu’est- ce qui, là -bas, quémande votre attention ?
– J’y ai grandi, tout comme vous. Cela peut paraître anodin à des orphelins mais il y a quelque part dans ce monde quelqu’un qui, peut-être, s’inquiète de ne pas me voir rentrer. »
Le jeune homme resta silencieux.
Pouvait – il avoir confiance en cette fille qui, il y a quelques jours encore, voulait mordre la main qui lui était tendue ?
Comment pourrait – il savoir qu’à la moindre occasion elle n’allait pas s’enfuir afin de contacter Scotland Yard ? Ou disparaitre dans la nature dans le but de dévoiler leur plan à qui voudrait bien la croire ? Il ne parvenait pas à déchiffrer le vrai du faux, savoir jusqu’où allait sa perfidie.
Comme si elle lisait dans ces pensées, Shae ajouta :
« – Je n’ai rien à gagner à vous trahir, tout à perdre à commencer par ma vie.
– Je fais préparer une voiture, finit par dire William en se levant avant de se diriger vers elle et s’accroupir à sa hauteur. J’espère que vous êtes honnête, Shae. J’admets que je n’aimerais pas avoir à vous trancher votre délicate gorge moi-même. »
Le regard froid qu’il lui adressa lui tira un frisson sans que son expression faciale ne change.
Pour simple réponse, elle se leva, fit une légère révérence avant de courir jusqu’à ses appartements.
Une fois la porte close, la jeune fille se laissa glisser le long de cette dernière.
« – Allez, on tient le coup Shae ! dit – elle en se claquant les joues. »
Elle se redressa sur ses mains légèrement tremblantes sous l’excitation avant de se diriger vers la salle de bains et se préparer rapidement.
Il faut se l’admettre, elle avait préparé un palmarès de scénarios dans l’optique où un « non » se présentait mais n’avait pas pensé à l’optique où leur réponse serait un oui.
Pendant toute sa toilette, la jeune fille essayait de cacher son excitation d’enfin sortir de cette demeure et de voir les rayons du soleil caresser sa peau. Elle tentait de trouver les mots juste pour l’instant où ils se reverraient, lui dire à quel point elle était désolée et surtout trouver une histoire plausible pour expliquer qu’elle reparte avec trois hommes car, après tout, dire que son refus d’obtempérer lui causerait une mort certaine n’était peut-être pas approprié.
Une heure après, elle se regardait une énième fois dans la glace de la salle de bains avant de descendre les escaliers deux par deux. En la voyant, les jeunes hommes furent pris dans un tourbillon de confusion entre questionnement et admiration.
Elle avait opté pour une robe noire que les femmes de la haute auraient considéré comme provocante du fait de son asymétrie, dévoilant les jambes de la jeune fille mais que les filles de joie auraient trouvé de très bon goût ; il faut dire qu’elle donnait matière à titiller l’imagination masculine.
En regardant sa jambe droite plus attentivement, on pouvait y apercevoir une jarretière en dentelle qui épousait parfaitement sa peau laiteuse et à laquelle la jeune fille avait accroché une petite breloque.
En remontant encore, on pouvait se rendre compte que les pans ainsi que le col de la robe était fait d’une dentelle fine blanche presque transparente faisant penser à un champ de lys en éclosion qui épousait parfaitement son décolleté.
Sa chevelure, qu’elle avait laissé totalement libre, tombait en cascade le long de ses épaules pour venir mourir au creux de ses reins.
Il leur sembla qu’elle s’était métamorphosée ayant troqué sa candeur pour la débauche.
Quiconque ne la connaissant pas aurait pensé qu’elle était une fille de joie ingénue que l’on pourrait s’offrir pour quelques pièces d’or.
Shae essaya de faire abstraction de leur regard, passant à travers eux afin d’avancer vers le porte manteau et de se saisir d’une des nombreuses capes accrochées qu’elle vint poser sur ses épaules avant de se tourner vers eux.
Sans vraiment savoir où ils se rendaient, les jeunes hommes avaient mis des vêtements assez décontractés qui les faisaient passer aisément pour de parfaits gentilshommes de classe moyenne.
Elle les observa silencieusement à son tour.
Albert et Will avaient tous les deux mis un pantalon de ville avec une chemise pour le premier vert et pour le second marron. Ils avaient mis un veston léger de la même couleur que leur pantalon.
Sébastian quant à lui s’était vêtu d’une chemise et d’un pantalon qu’il avait surplomb d’un long manteau noir qui dénonçait aisément ses habitudes militaires.
La jeune fille finit par sourire et dire d’un ton joyeux :
« – Allons-y, voulez – vous. »
Albert s’approcha d’elle afin de venir arranger le ras-de-cou qu’elle avait mis de travers puis lui sourit à son tour avant d’ouvrir la porte qui se trouvait derrière elle.
Ils montèrent tous en calèche et un silence de plomb resta maître tout le long du trajet tandis que la jeune fille regardait le paysage par la lucarne en ayant des réactions d’enfants qui firent Sébastien retenir des rires amusés.
Il lui sembla que cela faisait des siècles que la jeune fille n’avait pas vu la lumière du jour ou encore le bonheur simple de voir deux enfants jouer dans une ruelle.
Probablement cela était – il dû à son sentiment d’emprisonnement ?
Les beaux paysages lumineux des quartiers aisés de Londres laissèrent vite place à l’obscurité, la pauvreté et la puanteur de ceux de East End. Malgré cela, Shae resta le visage collé à la lucarne avant de s’exclamer :
« – Arrêtez-vous ! »
William tira sur les rennes et fit s’arrêter la voiture avant de regarder autour de lui.
Il s’agissait d’une maison close, étrangement bien entretenue où un écriteau disait « Pleasure Place ».
La bâtisse semblait à première vue fermée, semble – t – il que même les gourgandines aient le droit au sommeil.
A peine la calèche s’arrêta – t – elle que la jeune fille sauta de celle – ci afin de courir vers une femme d’environ la quarantaine qui, un air inquiet sur le visage, passait le balai.
« – Dame Julia ! »
La dénommée Dame Julia repoussa lentement la jeune fille en la regardant de ses yeux écarquillés comme si elle voyait un fantôme.
« – Shaelynn, c’est bien toi ? »
Shae acquiesça en souriant.
La réaction de Dame Julia ne se fit pas attendre, d’un geste vif elle gifla la jeune fille dont les yeux s’ouvrirent sous le choc. Elle porta sa main à sa joue avant de se tourner impulsive vers celle qui, il y a quelques minutes, avait suscité chez elle un sentiment de joie immense.
« – Mais ça ne va pas ?! »
Dame Julia éclata en sanglots tout en se jetant à son cou.
Elle essayait de parler entre deux haut-le-cœur tout en gardant la jeune fille entre ses bras :
« – Si tu savais… combien… je me suis inquiétée ! Stan a dit à tout le monde… que tu avais probablement été tué par le meurtrier en série… je te croyais morte … ou encore pire… J’ai imaginé tellement de choses ! Et tu reviens comme une fleur après presque un mois d’absence ! »
La colère naissante de la jeune fille s’éteignit net face à trop plein émotionnel qui venait la frapper de plein fouet.
Elle resta silencieuse afin de la laisser reprendre son calme, comment pouvait-elle lui en vouloir ?? C’est elle qui avait été impulsive comme à chaque fois et qui de ce fait avait causé tant de mouron à celle qui l’avait en partie élevée. C’est elle qui avait été kidnappée, séquestrée et torturée, elle qui avait été sauvée puis enfermée de nouveau. Elle qui avait oublié sa condition et avait causé du chagrin à celle qu’elle chérissait tant.
La culpabilité la rongeait lentement, aussi la jeune fille se dégagea de son étreinte afin de baisser la tête et dire :
« – J’aurais dû vous prévenir, pardonnez – moi.
– Où étais – tu passé tout ce temps, Shaelynn Swann !?! »
A cette question, la jeune fille sembla se rappeler brutalement la présence des trois nobles qui l’accompagnaient.
Elle se tourna vers eux, leur adressant un sourire désolé puis vint derrière eux et déclara :
« – Je te présente Albert, son jeune frère William et leur ami Sébastian. Je travaille chez eux en tant que domestique maintenant. »
La femme sembla d’abord surprise puis ses traits s’adoucirent pendant qu’elle essuyait ses larmes et dit en souriant :
« – Merci à vous, répondit Dame Julia en faisant une révérence avant de leur sourire.
– Le plaisir fut pour nous, déclara Albert en venant baiser sa main délicatement. »
Julia rougit légèrement avant de les fixer un à un, tapoter son tablier avant de dire :
« – Mais où sont mes bonnes manières, rentrez voyons. »
Elle poussa la porte en bois de la bâtisse et leur emboîta le pas afin de les amener à ce qui ressemblait à une salle à manger.
Elle était simplement décorée et c’est ce qui en faisait probablement le charme. Il n’y avait qu’une table en bois entourée de chaises ainsi que des petits pots remplis de fleurs cueillies à la sauvette qui y était entreposées.
La maîtresse de maison les laissa s’installer pendant qu’elle se dirigeait vers un coin de la pièce, ouvrant une autre porte pour y disparaître et revenir quelque temps après avec des tasses et une assiette remplie de petits gâteaux secs.
Elle entreposait le tout sur la table et s’assit à son tour en disant :
« – En tout cas merci de vous en être occupée de ma petite Shaelly, je sais qu’elle n’est pas de tout repos.
– Tout le plaisir a été pour nous, répondit William en retenant un rire.
– Je me demande si un jour tu trouveras un mari avec un caractère tel que le tien, dit – elle en faisant mine d’être désespérée.
– Eh ! S’exclama Shae. »
Shae gonfla légèrement puis soupira avant de continuer laisser Dame Julia prendre le contrôle de la conversation, bombardant nos chers amis de questions :
« – Et donc, vous êtes des nobles ? Comment avez-vous rencontré Shae ?
-Elle nous ai littéralement tombé dessus et il nous a paru évident qu’elle devait travailler pour nous, déclara Will en gardant son éternel sourire.
-Je vois, répondit pensive Julia, je suis assez surprise, d’ordinaire ses dix doigts ne lui servent qu’à me créer des ennuis. »
Elle émit un rire avant de passer une main maternelle dans les cheveux de la jeune fille en déclarant :
« – Quoi qu’il en soit, je suis heureuse que tu sois rentrée… je m’en serais voulu toute ma vie de n’avoir pu te protéger comme je le lui avais promis. »
Le visage de Shae s’assombrit pendant une fraction de seconde qui n’échappa pas à William avant de redevenir tout aussi souriant.
Elle entreprit de lancer la logeuse dans un échange de banalités afin d’être à jour sur la vie à East End et celles de leurs proches.
Les trois hommes restaient silencieux, les laissant savourer cet instant.
« – Sinon, dis – moi, tu n’es que domestique n’est-ce pas ? Tu ne t’adonnes pas à d’autres jeux ? »
Ce fut au tour de Sébastian de pouffer de rire a la question tandis que les joues de Shae s’empourprèrent et qu’elle s’exclama :
« -Bien sûr que non ! Je ne voulais pas venir ici et attirer l’attention, voilà tout !
-Eh bien c’est réussi, ta tenue est divine ma douce. Dans une autre vie, je t’aurais vendu au plus offrant tant tu ressembles à une friandise. »
Dame Lucia vint lui caresser la joue délicatement avant d’aller chercher le thé.
William profita de cet interlude afin d’en apprendre plus sur la jeune fille :
« – Ainsi vous êtes la fille d’une Mère Maquerelle ?
– Par pitié, pas de « vous » entre nous. Nous n’en sommes plus à ce stade. Dame Lucia n’est pas ma mère… Ma mère était une de ces filles. »
Le jeune homme tiqua légèrement, comprenant qu’il venait de toucher une corde sensible, cependant l’heure n’était pas à l’empathie, il devait savoir à quel point elle leur était semblable ou préjudiciable.
« – Était ?
– Elle est morte. »
Les yeux bleus de Shae se plongèrent dans ceux de William, d’une froideur déconcertante.
« – Me revoilà ! Déclara Dame Lucia en entrant dans la pièce avec un plateau garni.
– Tu n’étais pas obligé d’en faire autant…
– Le cœur d’un homme s’acquiert avec son estomac, ma belle ! »
Shae soupira, décidément on ne tirera rien d’elle.
La logeuse entreprit de servir les trois jeunes hommes tout en continuant à les embêter avec des questions sur leur conditions, leur vie et la tenue de Shae dans leur demeure. Le regard de Shae fut attiré par une peinture dans un coin de la pièce, la faisant se lever avant de se diriger vers et de venir le toucher délicatement du bout des doigts.
C’était une jeune femme blonde, légèrement provocante mais en gardant toute son innocence, ses boucles tombaient parfaitement sur ses épaules nues pendant que son sourire semblait illuminer toute la pièce.
Elle semblait vous suivre du regard, s’amusant de votre intrigue tout en gardant cet air bienveillant.
La voix de Lucia fut ce qui sortit Shae de sa rêverie :
« – C’était une de mes plus belles filles. Vous savez, les hommes se ruaient pour une nuit à ses côtés… on disait qu’elle était d’une douceur qui vous libéraient de tous les maux… Quand je te vois, je me dis que tu lui ressembles beaucoup, Shaelynn. »
Shae la regarda une dernière fois avant de fixer Lucia en esquissant un faux sourire :
« – Elle disait que j’étais le portrait craché de mon père, que lorsqu’elle voyait mes yeux, elle se remémorait son péché.
– Elle t’aimait, Shae. Ne l’oublie pas.
– Je sais bien, cela n’a pourtant pas été suffisant. »
Shae continuait de sourire avant de reporter son attention sur la peinture.
Lucia resta silencieuse tout en jetant un regard désolé aux trois jeunes hommes comme pour s’excuser de cette scène qui n’était pas près de se terminer car sa voix résonna de nouveau pour dire :
« – Au fait, il est revenu. J’ai dû lui dire que tu avais disparu, aussi je ne serais pas étonné qu’il ai entamé des…»
Shae se tourna brutalement, ses yeux affichant un air surpris :
« – Qu’est – ce qu’il voulait… ? »
Pour simple réponse, la dame sortit de son sein une bourse de pièces d’or qu’elle jeta sur la table.
Shae les regarda s’étaler, tintant dans un bruit sourd avant de lever la tête tandis que Lucia se frotta les tempes, exaspérée, et dit :
« -Tu ne pourras pas l’éviter indéfiniment, encore plus si tu travailles chez des nobles. Et puis, je viens de te le dire, je lui ai dit que tu avais disparu Shae, il va probablement amorcer des recherches…
-De qui parlez-vous, demanda Albert soudainement interloqué.
– Personne ! S’exclama Shae en tapant du poing sur la table, fixant Lucia d’un air de désapprobation.
– Personne ? s’offusqua Lucia. Tu veux rire j’espère ?! Le secrétaire d’état vient ici tous les mois afin de verser une pension que tu t’obstine à refuser et ce n’est personne ?!
– Mycroft Holmes ? dit Albert, surpris. »
Shae pesta avant de fixer Lucia qui sortit une cigarette qu’elle alluma, tirant une taffe dessus. Son regard se fit plus perçant pendant qu’elle dit :
« – Tu ne peux pas renier qui tu es. Cela te rattrapera tôt ou tard.
– Plutôt crever, je suis la fille d’une putain voilà ce que je suis et il aura beau remuer ciel et terre pour changer ça, il lui faudra traîner mon cadavre ! »
Shae se leva et sortit en claquant la porte derrière elle.
Au moment où Sébastian allait la suivre, plus pour la surveiller que pour la rattraper, Lucia le retint et dit
« – Elle va revenir, elle revient toujours… Sa mère est morte à cause d’un noble, autant vous dire qu’elle ne les porte pas dans son cœur. »
William fut le premier à briser le silence après cette information :
« – Que voulez-vous dire par « à cause d’un noble » ?
– Eleanor était domestique pour quelqu’un de la haute qui, dès qu’il apprit que ma petite était enceinte, la flanqua à la porte engrossée jusqu’au cou… »
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Salut les Wattys, voici avec un peu de retard mais voici le chapitre 10 de To Be Mine !
Alors, Shae une fille de putain l’avait vous vu venir ?
D’après vous qu’a donc fait ce noble à la mère de notre chère Shae ?
Qu’aviendra – t – il de Shae, Will & que veut notre petit Mycroft ?
La suite très vite mes chéris !
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